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Voeux de Mgr Blanchet pour 2023

Vœux pour l’année 2023 – Diocèse de Créteil
5 janvier – Cathédrale Notre Dame de Créteil

Les diocésains de Créteil et moi-même sommes particulièrement heureux de pouvoir renouer cette année avec la tradition de présentation des vœux de l’Eglise catholique en Val de Marne, interrompue depuis trois ans par la pandémie du Covid et ses suites.

Nous le faisons dans le temps de Noël, dans cette période de reprise, encore éclairée de sa lumière si particulière qui vient réchauffer les cœurs, redonner courage et espérance. C’est à partir d’elle que je veux m’adresser à vous pour vous souhaiter une bonne et heureuse année 2023. Nous le faisons en ce même jour où nous venons de confier à Dieu notre cher pape émérite Benoit XVI, qui nous lègue un bel héritage et nous invite à la confiance pour regarder devant. Je remercie le Chœur de la paroisse gréco-catholique ukrainienne « De tous les Saints » à Vincennes, ainsi que les enfants du quartier de Bois l’abbé à Champigny qui nous ont interprété leurs beaux chants, rappelant que la joie de Noël est une joie que personne ne peut nous ravir.

Oui, pour nous, chrétiens, “le plus cadeau de Noël, c’est Jésus “. A travers cette petite phrase des enfants, nous redisons combien notre regard porté sur l’enfant de la crèche nous oblige. Il nous conduit avec lui à regarder tout enfant, tout homme, toute femme, comme infiniment précieux, et nous situer ainsi aux côtés de tout être humain, avec tant et tant de personnes de bonne volonté.  Nous recevons ensemble cette conviction sur la dignité de toute personne, attestée par la déclaration des droits de l’homme en son préambule, et inscrite dans la charte des droits fondamentaux de l’union européenne : “La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée”[1]. Regarder l’homme ainsi, depuis sa dignité inaltérable, nous fait entrer dans un regard qui élève, un regard particulièrement adapté aux vœux de bonne année dans lesquels nous espérons le meilleur pour chacune, chacun en 2023.

Mais pour bien envisager l’avenir, il nous faut savoir accueillir le passé et consentir à ce que la tâche d’humanisation soit toujours à accomplir. Nous progressons, c’est notre espérance, vers une communion dans laquelle chacun, à commencer par le plus vulnérable d’entre nous, puisse se sentir respecté et prendre sa place au service du bien commun.

Chers frères et sœurs ukrainiens qui vivez ici en Val de Marne, vos chants nous demandent de tenir fermes dans notre espérance pour un monde paisible, une espérance lucide consciente des drames dont notre humanité est toujours capable, mais invitant à lever les yeux. Ce fut la pédagogie des psaumes dans nos Ecritures. Ce fut aussi la magnifique tradition du Gospel née dans les conditions terribles de l’esclavage. Nos aïeux nous indiquent là un chemin pour ne jamais désespérer des ressources inouïes du cœur de l’homme pour être victorieux du mal par le bien. Ces chants nous invitent à ne pas nous laisser vaincre par le mal et le découragement qu’il entraine, mais à nous concentrer sur ce qui germe paisiblement et avec assurance. La Paix se construit aussi là. Comme le dit le dicton : “ l’Arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse”.

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C’est le premier point que je voudrais aborder avec vous, simplement en vous partageant une surprise persistante en moi depuis que je découvre la vie en Ile de France, depuis bientôt deux ans. Là où l’opinion mettra en avant le rythme parfois inhumain de travail lié au transport, les conditions de cohabitation parfois explosives du fait de la densité de population et de la proximité qui en est la conséquence, il m’est donné de me laisser toucher par la patience et l’endurance des habitants dans ces conditions de vie. Certes, des actes d’incivilité et de violence parfois stupéfiante continuent de menacer ce consensus paisible et j’en suis bien conscient, mais je suis d’abord frappé – et cela subsiste en moi – par les ressources de chacun pour permettre de vivre si nombreux dans un espace tout de même réduit. Je pense vraiment qu’il y a là un art de vivre, une forme de sagesse dont il nous faut aussi témoigner. Cette sagesse est indicatrice des vrais chemins de paix, qui se tissent patiemment au fil de nos relations fraternelles.

Car des arbres qui tombent et pourraient réduire à néant notre espérance, il y en a eu en cette année 2022… ! Nous pensons tout d’abord à ce sombre 24 février au cours duquel nous apprenions l’agression du peuple ukrainien par les dirigeants russes avec les terribles desseins de Vladimir Poutine. En ce 5 janvier 2023, penser à ces familles si nombreuses confrontées au terrible froid de l’hiver et à la peur qui ne les quitte pas, penser à ces hommes d’Ukraine et de Russie, mobilisés les uns contre les autres dans un conflit venu perturber radicalement la trajectoire de leur vie, penser à cette guerre sur le continent européen, alors que nous espérions avoir tiré les leçons des guerres précédentes, …nous glace d’effroi et pourrait nous tétaniser si nous n’espérions encore dans nos ressources réelles pour la paix.

Je pense par exemple à ce que nous avons pu voir de l’accueil des réfugiés ukrainiens. La générosité spontanée ainsi manifestée nous demande de continuer encore à croire en nos ressources de fidélité, pour un engagement avec ces familles, qui puisse se dire et s’inscrire dans la durée. Cet accueil nous amène aussi à nous interroger sur ce qui conduit bien des personnes à demander asile à notre pays, pour d’autres raisons parfois que la guerre. Le Val de Marne, par ses habitants, est riche de ces liens avec les pays du monde entier qui nous enrichissent de leur culture et qui nous font aussi partager leurs drames. Le défi de l’accueil des réfugiés est immense et il ne peut être délégué seulement aux capacités des collectivités, nous le savons bien. Même petite, la part de chacun est précieuse. Le diocèse essaie d’y donner sa part. 2023 devrait nous faire avancer sur un lieu diocésain de solidarité, ici à Créteil, qui puisse s’inscrire dans la cité, au service notamment de cette grave question posée à notre société par l’accueil des réfugiés et des migrants.

Nous nous sentons d’autant plus encouragés dans ces efforts que les autres confessions chrétiennes en Val de Marne nous stimulent par leur exemple. Je pense ici à l’action des communautés chrétiennes arméniennes qui nous alertent sur la crise humanitaire majeure survenue dans le Haut-Karabagh. Dans le silence de la Communauté internationale, les arméniens qui y vivent sont victimes de violences qui les conduiront à l’extermination.  La communauté évangélique d’Alfortville nous tient régulièrement en éveil et l’a refait encore à la mi-décembre. Les relations œcuméniques bien établies en Val de Marne, nous aident à demeurer vigilants sur ces solidarités nécessaires  et je me réjouis que nous puissions aussi envisager des projets communs, comme celui de la réactivation de l’association “Passerelle” qui accueille des familles à Champigny, venues par couloir humanitaire, ou encore comme cette rencontre formidable prévue à l’espace Martin Luther King le 21 janvier prochain pour un temps commun de louange au cœur de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, mais aussi dans le but de solliciter un geste conséquent de solidarité envers les jeunes ukrainiens. C’est une petite part, mais elle est précieuse.

Parler de nos relations avec les autres confessions chrétiennes me conduit à évoquer aussi nos relations avec des frères et sœurs d’autres religions. Je voudrais ici convoquer la mémoire de Mgr Labille, dont nous avons célébré les obsèques hier et pour qui la communauté musulmane est reconnaissante d’avoir posé en son temps une parole claire et sans ambiguïté dans son soutien porté à la construction de la mosquée de Créteil. La liberté religieuse est un droit fondamental. Elle est aussi un devoir, pour que notre foi puisse enrichir les ressources de paix et d’harmonie dans nos cités. C’est à force d’engagements communs concrets que la communion s’établit. C’est ainsi que j’ai eu la joie, dans la découverte du diocèse, de nous voir ensemble, chrétiens et musulmans au service des plus pauvres, au cœur de la trêve estivale, par “Aout Secours Alimentaire”. Nous y sommes chaque année.  J’étais heureux en mars dernier de pouvoir porter ensemble, à Rome, avec quelques amis de la mosquée, auprès du pape et du dicastère pour le dialogue interreligieux ce que nous vivons ici, et qui s’enracine dans une longue tradition de liens et d’hospitalité mutuelle.

Il serait vain d’espérer la paix dans le monde et de nous adresser de tels vœux sans la chercher vraiment et concrètement chez nous. C’est ainsi que plusieurs espaces de dialogue interreligieux y contribuent en Val de Marne. Ce qui se passe ailleurs ne doit pas empêcher la rencontre du frère ici. C’est bien lorsque la relation fraternelle est établie, que nous pouvons nous interpeller mutuellement pour le bien, sans craindre de voir en l’autre un ennemi. Il y a deux ans, l’Eglise catholique en France a signé une déclaration remise aux communautés juives intitulé : “ « Lutter ensemble contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme sera la pierre de touche de toute fraternité réelle ». C’est une relation sur laquelle nous avons toujours à avancer et je serai heureux dans les mois qui viennent de consacrer plus de temps à la connaissance des nombreuses communautés juives présentes en Val de Marne.

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Regarder 2023 me fait aborder aussi un autre sujet qui n’est pas sans lien avec la construction paisible de notre société puisqu’il concerne la relation aux plus vulnérables d’entre nous. Je pense ici aux situations des personnes en fin de vie, pour lesquelles une consultation citoyenne est sollicitée. Allons-nous aider activement les personnes en fin de vie à mourir, ou allons-nous les aider activement à vivre le plus paisiblement possible cette ultime étape de leur vie ? Il ne s’agit pas d’un jeu de mots ou d’un effet de formule, mais bien d’une invitation à un discernement éclairé sur une question aussi grave et délicate : quelle est l’intention qui nous conduit ? Faire vivre ou faire mourir ?  Le 23 janvier, nous organisons ici dans cette cathédrale une soirée ouverte à tous pour un temps d’échanges et de débats avec des intervenants qui pourront nous éclairer. La question posée sera “ Choisir la mort : un choix comme un autre ? “.  Je fais ici le vœu que 2023 fasse avancer notre société et chacun de nous dans l’acceptation de la mort comme un moment précieux de la vie ; et que la sagesse nous soit donnée pour savoir accompagner avec justesse les personnes en souffrance au seuil de cette ultime étape de leur existence.

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Enfin, à l’occasion de ces vœux, je voudrais évoquer en quelques mots l’épreuve vécue ces dernières semaines par notre diocèse, lors des révélations sur les abus commis par des évêques, avant qu’ils ne soient appelés à l’épiscopat. Mgr Santier en est et je comprends le trouble profond de tous ceux, très nombreux, qui l’ont connu et apprécié. J’entends aussi combien ces évènements ont engendré un questionnement sur la gouvernance de notre Eglise. L’Evangile que nous annonçons est une Parole puissante qui vient interpeller nos consciences pour servir la vie et non la mort. Il nous faut comprendre d’où vient qu’il ait été possible de poser de tels actes destructeurs au nom d’une autorité spirituelle. Il nous faut aussi discerner les pas que nous devons continuer de poser dans notre marche pour une Eglise qui sache mieux traiter avec justice ces situations, accompagner les personnes victimes, ainsi que les auteurs d’abus. Il y a trois semaines, nous avons pu porter à Rome notre analyse des dysfonctionnements qui nous ont conduits à une telle situation, et à l’expression d’une forte colère des fidèles catholiques. Nous avons été entendus et j’ai bon espoir que cette période douloureuse puisse aussi être traversée en portant du fruit dans des modifications de pratique devenues nécessaires.

Au total, onze personnes se sont fait connaitre comme victimes d’abus sexuels dans notre diocèse depuis 1950. Elles ont toutes été aidées dans leur démarche vers l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation, mise en place par la Conférence des évêques de France. Pour construire un avenir sûr, nous le savons, il nous faut garder la mémoire des drames qui ont été rendus possibles.  Le 11 mars prochain, au cœur du carême, en cette cathédrale, nous aurons la chance d’accueillir un temps fort de réflexion, et d’invitation aux conversions nécessaires avec une pièce de théâtre écrite et mise en scène par Laurent Martinez, victime d’un prêtre alors qu’il était mineur, suivie d’un temps de débat avec lui, et de prière pour ceux qui le voudront.

Ce combat contre les abus sexuels dans l’Eglise et dans la société est un travail qui va demander du courage, du temps et de l’énergie. Cette crise de l’Eglise, comme chaque crise dans l’Eglise, est une secousse pour nous tous. Elle révèle aussi une secousse de notre société. Là aussi, notre espérance est convoquée pour continuer de croire dans les ressources qui sont dans le cœur de chacun, pour que les enfants et les personnes vulnérables grandissent en paix et en sécurité dans nos familles, nos associations d’éducation, et nos communautés.

Le diocèse de Créteil s’y est engagé pour sa part depuis plusieurs années avec la création d’une cellule d’écoute. En 2022, nous avons mis en place des dispositifs importants de prévention en diffusant une charte pour la protection des mineurs, et en mettant en place avec le CRI-AVS de St Maurice (Centre de ressources pour intervenants auprès d’auteurs de violences sexuelles) une journée de formation pour adopter ensemble une vraie vigilance et développer les réflexes qui feront de notre Eglise une maison sûre, autant qu’il est possible, comme tous sont en droit d’espérer. A ce jour, plus de 400 personnes de notre diocèse, animateurs auprès des enfants et des jeunes, en responsabilité paroissiale, ont vécu cette journée de formation que nous allons continuer de déployer. Nous avons aussi signé en avril 2022 un protocole avec le parquet de Créteil pour faciliter autant que possible le traitement par la justice si des faits étaient connus.

Mais comme je le disais, ces évènements interrogent aussi notre gouvernance. Cela me permet de revenir sur 2023 en évoquant le synode convoqué par le pape François sur la synodalité à déployer dans notre Eglise comme style de vie. Ce mot peu usuel signifie simplement la nécessité de marcher ensemble pour porter l’Evangile. Il se conclura à Rome en octobre 2024. Cette consultation a permis de nombreux temps de parole dans le diocèse, qui doivent se poursuivre. Dans notre diocèse, nous n’attendrons pas les conclusions du synode pour initier ces transformations nécessaires : elles prendront nécessairement du temps. Les nombreuses rencontres vécues après les révélations sur les défaillances épiscopales nous ont conduit à décider que tous les acteurs pastoraux recevant mission de l’évêque seront invités dans les semaines qui viennent à une relecture de pratique, de laquelle nous pourrons repartir pour envisager de nouvelles manières de faire. Ce sera un début. 2023 n’en verra pas le bout, mais au moins le commencement !

Bien conscient de la longueur de mon propos, je me suis permis de vous partager ainsi ces débats internes, conscient que nos communautés chrétiennes ne sont pas « des îlots isolés », mais font partie intégrante de la société dans laquelle elles s’inscrivent. Il est normal de vous rendre compte de ce travail entrepris. Là aussi, un arbre qui tombe ne doit pas faire oublier ce qui pousse et qui peut réassurer notre confiance.

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Il y aurait bien d’autres évènements à évoquer, qui nous font envisager 2023 avec bonheur, comme l’ordination ici d’un nouveau prêtre pour notre diocèse le 29 janvier, ou les journées mondiales de la jeunesse à Lisbonne l’été prochain. Les jeunes incarnent concrètement l’espérance que nous portons en nos cœurs. C’est pour eux et avec eux que nous devons continuer ce travail d’humanisation de notre monde, si beau en son mystère. Leur vision de l’avenir nous porte, comme cela a été pour chaque génération. Je termine mon propos en extrapolant le dicton déjà cité : L’arbre qui tombe, ne doit pas cacher sur la forêt qui pousse mais doit plutôt y concentrer nos regards … Nous concentrer sur le bien qui est en nos mains, en notre responsabilité.

Vous l’avez compris, mes vœux voudraient se conclure en vous exprimant tous mes encouragements pour le bien qui se fait par vous, dans toutes les collectivités et réalités sociales et culturelles du Val de Marne. Le bien ne fait pas de bruit et il est bon de le souligner en ce début d’année.

J’ai effectué en novembre avec beaucoup de bonheur ma première visite pastorale à Champigny. Ces visites me font découvrir de belles initiatives. Elles sont aussi pour moi l’occasion de rencontrer plus longuement les élus et acteurs de la vie économique et sociale en leur ville. Trois prochaines sont programmées ce premier semestre : à Bry-Nogent-Le Perreux en janvier, à Valenton-Villeneuve st Georges en mars, et à Villiers/Marne en mai.  Je me réjouis d’avance de ces visites.

Enfin, je voudrais dire ici ma reconnaissance à tous ceux qui œuvrent fidèlement pour la vie de notre Eglise diocésaine.  Permettez-moi encore d’adresser un message particulier à mes frères prêtres qui se donnent généreusement dans leur service et qui doivent garder courage alors qu’ils sont particulièrement exposés dans cette crise.

Je vous remercie pour votre attention. A vous tous, à chacune, chacun, je renouvelle mes vœux les meilleurs pour 2023, pour vos projets personnels, pour vos familles, et dans les responsabilités qui sont les vôtres.

Bonne et heureuse année 2023 !

+ Dominique BLANCHET
évêque de Créteil

[1] Titre 1, article 1 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne