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Après la rencontre du 8 octobre : « Enseignants, tous dans la même galère, pour notre plus grande joie d’enseigner ! »

La pastorale du travail organise une rencontre le samedi 8 octobre de 14h à 17h au centre diocésain de formation Saint-Pierre du Lac intitulée :

Enseignant le plus beau métier du monde ?

Le 8 octobre dernier, une trentaine d’enseignants se sont réunis à l’invitation de la pastorale du travail pour partager sur leur métier. Nous vous proposons ci-dessous ce texte qui donne un écho de leur partage.

« Enseignants, tous dans la même galère,
pour notre plus grande joie d’enseigner ! »

Le samedi 8 octobre 2022, une quarantaine d’enseignants, actifs ou retraités, dans le privé ou le public, se sont réunis pour échanger sur leur métier et cela à l’invitation de la pastorale du travail du diocèse de Créteil. Leur partage a porté sur les réalités de leur métier, leur rapport avec les élèves, les parents, l’administration, ainsi que les raisons qui les ont amenés à choisir ce métier et le sens qu’il lui donne. Bien qu’enseignant dans des cycles différents, les participants se sont reconnus dans une certain nombre de constats communs.

Le métier se dégrade et sa pratique évolue. Il faut maintenant ajouter, à la tache de transmission des savoirs, un certain nombre de fonctions qui deviennent de plus en plus importantes. La charge administrative devient de plus en plus lourde. Les nouveaux moyens numériques, bien que facilitant un certain nombre de tâches, amènent à une communication accélérée, à toute heure, et rend les collègues de plus en plus dépendants. Le suivi des élèves en difficultés avec la mise en place des multiple plans d’aide, l’accompagnement des élèves handicapés, se fait pratiquement sans moyens supplémentaires. Le contrôle continu accentue l’importance des notes pour les élèves et il crée une concurrence malsaine entre établissements. L’image a pris le pas sur l’écrit. Les réseaux sociaux prennent une place importante et deviennent de plus en plus violent dans la vie des jeunes. Il devient plus difficile de capter leur attention et de transmettre le désir d’apprendre. Depuis la pandémie, mais pas seulement à cause d’elle, un certain nombre d’élèves sont en détresse psychologique, avec de plus en plus de souffrance, de phobie scolaire, pouvant aller dans des cas extrêmes jusqu’à la tentative de  suicide.

Et pourtant, le désir et le plaisir de transmettre, non seulement des connaissances, mais surtout des compétences sont bien là. L’envie de communiquer les valeurs de la société, « liberté, égalité, fraternité et laïcité », de voir les élèves devenir des citoyens éclairés, participer à la croissance de l’être, donner le goût de la relation animent encore pleinement les participants. Aider à maîtriser sa pensée, sa langue, et regarder l’autre comme son égal, transmettre la rigueur du raisonnement, et permettre aux jeunes d’être créatifs, inventifs pour transmettre des concepts, les aider à évoluer, à bâtir un projet professionnel qui leur convient, tout cela reste au cœur des préoccupations des enseignants présents.

La relation avec les familles est parfois difficile.  Les familles ne semblent plus faire confiance à l’école, aux enseignants et recherchent sans cesse des justifications de leurs part. Cela peut aboutir à des critiques, des remises en cause constantes, pouvant aller jusqu’à un perte de dialogue, une rupture , des conflits. Les enseignants semblent être mal considérés  à cause d’une critique constante et leur travail est souvent remis en cause. La pression sociale vécue par les parents est parfois transférée sur l’école. Elle devient un frein à la relation allant même à être source de violence.

Pourtant la relation avec les parents est fondamentale et elle se construit dans la durée. Après la pandémie,  une certaine reconnaissance des parents a permis d’améliorer la liaison avec les parents. L’école permet parfois de recréer le lien entre l’élève et sa famille. Les enseignants souhaitent retrouver le dialogue et la confiance vis-à-vis des parents : « Nous avons envie de faire évoluer le lien avec les familles ». « Nous aimerions faire plus de place aux parents pour peu qu’ils se sentent concernés ». « Nous avons envie de leur dire : Faîtes-nous confiance ».

Le fait de pouvoir travailler en équipe, de pouvoir innover, d’échanger entre collègues, quelque soit la discipline est un moteur nécessaire. L’ambiance entre collègues permet de tenir, de se soutenir. Cela permet de bâtir des projets pédagogiques qui rendent le travail plus intéressant. Il permet de, aussi, faire face aux épreuves du métier, même si on peut ressentir dans certaines équipes de l’aigreur et du découragement. Il est nécessaire de favoriser ce travail d’équipe ainsi que la co-animation à plusieurs enseignants qui participe à leur formation.

Le manque de reconnaissance de l’institution est fortement ressentie. Des salaires qui ne sont pas à la hauteur, des effectifs qui ne permettent pas un travail en profondeur, des équipes qui ne sont pas suffisamment stables notamment dans les zones difficiles, des moyens insuffisants pour faire face aux exigences semblent être le quotidien des participants. Le manque de réelle écoute par la hiérarchie est fortement ressenti. Un fort décalage entre les textes et la pratique quotidienne, un amas de réformes peu évaluées alourdit le travail des collègues. Le sentiment de devoir compenser sans cesse les manques de l’institution, la culpabilisation de l’enseignant « qui ne sait pas tenir sa classe », sont monnaie courante. Le manque de formation ou son inadéquation, la difficulté de la formation permanente ajoute à la difficulté du métier. De plus, le fait de recruter des enseignants par petites annonces  avec une formation de quelques jours montrent le peu de considération de l’institution et dévalorise le métier. Il y a parfois un sentiment d’abandon et de solitude pour les débutants dans le métier. Certains sont en souffrance et parfois en état d’épuisement notamment après l’investissement pendant la pandémie.

Les envies par rapport à cette école sont grandes. Pour beaucoup, l’envie d’enseigner est présente depuis très longtemps.  Avoir une école de qualité est une nécessité et passe par la mise en œuvre de moyens qui permettent aux enseignants d’exercer ce qu’ils considèrent comme un beau métier. Ils expriment le besoin de changer les rapports avec leur hiérarchie, leur administration, d’être mieux écouté. Améliorer, allonger, approfondir la formation initiale et continue doit permettre de pouvoir faire évoluer, modifier la manière d’enseigner. Avoir le temps, avec moins d’élèves, d’échanger avec ceux qui sont en difficultés, favoriser le travail d’équipe peut permettre de redonner du sens au métier.

Bref, croire dans les jeunes qui leurs sont confiés, être persuadés qu’ils peuvent réussir dans les domaines qui leur sont chers, penser qu’il n’y a pas de fatalité si on y consacre les moyens occupent les pensées des participants. Transmettre, faire grandir et voir devenir autonomes les enfants et les jeunes que l’on confie à l’école, les rendre heureux reste une perspective motivante pour les enseignants. « Chaque élève qui nous est confié est un cadeau qui nous est offert ».

Enseigner reste un beau métier, exigeant, mais qui les ouvre à une mission essentielle et une responsabilité motivante envers les enfants et les jeunes de notre société. Comme l’a souligné Jean Luc Védrine dans la conclusion de cette rencontre :  » Il me semble qu’être éducateur a à voir avec cette attitude du veilleur qui guette, qui scrute le matin qui vient dans la vie d’un enfant ou d’un jeune qui lui est confié. Éduquer n’est-ce pas rester attentif à ce qui parait déjà de l’homme ou de la femme à venir. Éduquer n’est-ce pas être attentif aux joies et aux espoirs, aux tristesses et aux angoisses de ceux qui nous sont confiés afin qu’ils avancent dans la vie jusqu’au plein épanouissement de l’âge adulte. Éducateur n’est-ce pas ouvrir un avenir aux jeunes qui nous sont confiés, avenir qui ne peut être la division, l’appauvrissement des facultés de pensée et d’imagination, d’écoute, de dialogue et de compréhension mutuelle comme dit le pape François du Pacte éducatif global présenté et promu par le Saint Siège…..

Les enjeux d’éducation ne sauraient être uniquement centrés sur la personne aussi important soit l’indispensable soin de la croissance de celle-ci. Éduquer est, nous dit le pape François, un des moyens les plus efficaces d’humaniser le monde et l’histoire. Éduquer à la fraternité et à l’amitié sociale doit être au cœur de nos préoccupations en vivant nous-mêmes ces modes de vie au goût de l’évangile, en indiquant à ceux qui nous sont confiés combien fraternité et amitié sociale sont indispensables à la construction d’un monde plus juste. »