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90ème Assemblée plénière des évêques de France à Lourdes du 3 au 8 novembre 2022

La Conférence des évêques de France rassemble l’ensemble des évêques et cardinaux de France. Elle se réunit deux fois par an en Assemblée plénière une fois au printemps et une fois à l’automne. Cette année l’Assemblée plénière s’est tenue du 3 au 8 novembre 2022 à Lourdes.

Discours d'ouverture de Mgr Eric de Moulins-Beaufort mercredi 3 novembre

Assemblée plénière des évêques de France
Ouverture de l’Assemblée plénière d’automne 2022, le jeudi 3 novembre 2022
Discours de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, Président de la CEF

Chers Frères, chers amis,

Le nouveau Conseil Permanent que vous aviez élu en mars dernier s’est réuni pour la première
fois en juillet à Bordeaux. Il a souhaité que l’assemblée soit ouverte par un discours un peu substantiel
qui rappelle à tous la raison d’être des différents moments de l’assemblée, l’état d’élaboration des
sujets et prépare aux décisions à prendre en remettant en mémoire, le cas échéant, les pas déjà acquis.
Le discours de clôture, lui, a pour tâche de partager à celles et ceux qui s’y intéressent le fruit de notre
session.

En élaborant le programme de notre assemblée de novembre, ce même Conseil Permanent
l’envisageait comme une assemblée de mi-parcours, sans décision de grande ampleur, faisant le point
sur l’avancement de plusieurs dossiers en vue d’une assemblée pour le coup très dense fin mars. Celleci devra en effet voir aboutir simultanément les groupes de travail décidés en novembre dernier à la
suite du rapport de la CIASE ainsi que l’ensemble des mesures décidées alors et le processus de
transformation des structures de notre Conférence.
Ce que l’on peut désormais appeler « l’affaire Michel Santier » a bouleversé le programme
prévu de cette assemblée. Nous pensons aux personnes qui en ont été victimes, à ceux qui ont parlé,
il y a deux ans et plus récemment, et à ceux, peut-être, qui ne se sont pas encore fait connaître. Nous
pensons aux diocésains de Créteil qui se sont sentis doublement trahis. Nous pensons à ceux et celles
qui faisaient confiance à nos décisions de l’an passé et qui sont replongées dans le doute et
l’inquiétude. Nous-mêmes, nous réunissons avec des sentiments mêlés de colère, de honte,
d’impuissance, d’incompréhension, avec peut-être de la méfiance entre nous, et en sentant la colère,
la honte, le découragement, la lassitude, des fidèles les plus engagés, des diacres, des prêtres, des
séminaristes, atteindre un degré nouveau, sans doute insupportable pour certains. Tous nous sommes
ébranlés, personnellement et dans notre autorité apostolique au service du Seigneur Jésus et du
peuple de Dieu, en subissant un opprobre collectif pour une affaire dont la plupart de nous n’ont pas
eu à traiter. Un travail du Conseil Permanent, de la présidence et du secrétariat général a permis de
transformer le programme établi pour que nous puissions intégrer dans notre assemblée les questions
qui se posent avec une acuité renouvelée.

Je vous ai écrit tout récemment pour vous présenter les six moments qui vous sont proposés
entre aujourd’hui et la conclusion de notre assemblée. Six moments parce que nous avons besoin de
temps pour poser les faits, réviser les procédures qui existent, vérifier leur mise en œuvre, comprendre
les exigences du droit de notre pays et du droit canonique mais aussi les attentes et les besoins des
personnes victimes et du peuple de Dieu. Nous le ferons demain avec l’aide d’experts, un avocat, Me
Laurent Delvolvé, un canoniste, le P. Ludovic Danto, et du P. Luc Lalanne, official de la Congrégation
pour la doctrine de la foi,. Le nonce prendra également la parole. Je les remercie du fond du cœur
d’avoir accepté de venir nous éclairer et nous aider. Nous aurons besoin de temps encore pour
réfléchir ensemble et seuls, pour prier, en vue d’élaborer le plus ensemble possible les décisions ou les
pistes de travail qui permettront à notre Église en France d’avancer sur un chemin meilleur et peutêtre, pas à pas, de restaurer la confiance abîmée ou perdue.

J’ai tenu à vous parler sous l’image de l’enfant qui pleure : elle nous avait réunis l’an passé, elle
avait symbolisé les pas intérieurs et extérieurs que nous avions franchi ou que nous nous apprêtions à
franchir encore. Une fois encore, il nous faut le regarder, cet enfant qui pleure. Nous devons constater
qu’il y a même dans le corps épiscopal des hommes qui ont fait du mal. Dans le cas de Mgr Santier, les
personnes-victimes étaient majeures, mais parce qu’un évêque est un ministre du Seigneur Jésus,
l’enfant de Dieu que chacune ou chacun de ces adultes s’efforçait d’être et sur le chemin duquel il ou
elle comptait sur l’aide de tel prêtre, de tel évêque, a été souillé, défiguré, s’est retrouvé avec son âme
en morceaux du fait d’un homme qui, d’une manière ou d’une autre, voulait utiliser son corps. Nous
devons regarder en face, avec encore plus d’acuité que l’an passé, s’il est possible, ce drame spirituel.
Nous devons nous y aider, au-delà des discussions de faits et de droit. Ce sujet, donc, sous le regard
de cet enfant qui pleure et qui nous écoute, traversera toute notre assemblée jusqu’aux décisions que
nous voterons au plus tard mardi.

Des pas ont été franchis en novembre dernier et depuis lors. Nous aurons dans cette session à
approuver les statuts définitifs du Tribunal Pénal National qui a obtenu l’agrément de Rome, nous
recevrons des informations concernant le celebret national et, surtout, concernant les visites que nous
sommes invités à aller faire à Rome en lieu et place de la venue de visiteurs que nous avions sollicitée.
La présence du P. Luc Lalanne parmi nous contribue à préparer utilement ces rencontres dont la
structure a été définie par un travail commun du Conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie
et le Dicastère pour la doctrine de la foi. L’affaire de Mgr Santier nous fait réaliser qu’il nous reste des
marches encore à gravir – ou à descendre. Pas à pas, ensemble, nous avançons.

La plus grande partie de nos travaux va être consacrée à la transformation de nos Églises
particulières et de notre Église en France. Cette transformation est rendue nécessaire par le petit
nombre des prêtres de nos diocèses et de manière générale des prêtres en France, car la baisse n’est
pas moindre si l’on ajoute la Communauté Saint-Martin et les vocations religieuses ou monastiques,
même dans le monde traditionnaliste. Elle est due aussi à la diminution drastique de la pratique
dominicale, à la fin de tout un catholicisme sociologique qui se traduisait encore, il n’y a pas si
longtemps, par le baptême des enfants, le catéchisme, la profession de foi, voire le mariage. Ce
catholicisme-là se défait, de plus en plus rapidement, même si ce qui en demeure occupent encore
parfois beaucoup nos prêtres. Il nous faut trouver les moyens d’une vie ecclésiale forte, missionnaire,
rayonnante, dans la ligne de l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, grand texte de notre pape
François, avec peu de prêtres et peu de religieux et de religieuses ou de personnes consacrées, avec
des générations de laïcs engagés qui s’épuisent et d’autres qui sont moins nombreuses et très
différentes, d’une ferveur et d’une générosité qui souvent nous édifient. Pour les quinze ou vingt ans
à venir, nous connaissons l’évolution du nombre de nos prêtres. Mais la transformation à laquelle nous
voulons réfléchir ensemble n’est pas seulement due à ce facteur clérical ni à la seule diminution de
certaines forces vives. Elle est due aussi à la nécessité d’exprimer davantage la synodalité intrinsèque
de l’Église, synodalité au service de laquelle doit agir la collégialité et qui, en retour, doit éclairer et
fortifier la responsabilité collégiale des évêques. Elle veut intégrer aussi les dysfonctionnements ou les
fonctionnements insuffisants sur lesquels le rapport de la CIASE a ouvert nos yeux définitivement. Nous
ne pourrons en cette assemblée réagir au document publié par le secrétariat du synode pour servir de
base au travail des assemblées continentales de la phase synodale, mais cette démarche lancée dans
toute l’Église nous entraîne nous aussi, dans l’élan de notre assemblée extraordinaire de Lyon. Le
soutien mutuel dans la vie pastorale de nos diocèses devrait être l’objet premier de nos rencontres.
Ce soutien mutuel nourrit la joie que nous avons à nous retrouver entre frères. D’où plusieurs
séquences que je qualifie une à une brièvement :

-dès cet après-midi, une heure de carrefours sur la transformation pastorale de nos diocèses. Cette
séquence a déjà été vécue par les archevêques, lors de leur rencontre de septembre avec le Conseil
Permanent. Une heure est peu de choses pour un tel sujet. Cette séquence a pour but d’ouvrir la
discussion ; elle est placée au début de notre assemblée pour nous permettre de continuer ensuite à
échanger sur ce sujet et à réfléchir aux apports que nous nous ferons les uns aux autres ;
-ensuite, en fin d’après-midi aujourd’hui, présentation de quatre scénarios possibles pour la
transformation des structures de notre Conférence. Ces scénarios ont été préparés par Mgr Laurent
Le Boulc’h et Mgr Didier Noblot ; ils ont été vus par deux membres du Conseil Permanent chargé du
lien avec Nexus, Mgr Sylvain Bataille et Mgr Alexandre Joly, mais pas par le Conseil Permanent dans
son entier. Pour ma part, je ne les connais pas, et les vice-présidents pas davantage. Ces scénarios,
nous les reprendrons demain, vendredi, avec toute latitude pour les repousser, les corriger, les
améliorer, les pousser plus loin. Cela se fera en plusieurs séquences pour nous laisser le temps
d’approfondir notre réflexion.

Samedi, nous serons consultés (ce n’est pas un vote mais une consultation) pour dire nos préférences pour chacun de ces scénarios. Le groupe ad hoc pourra les retravailler avec toutes nos remarques. Cela nous permettra de choisir en mars prochain la direction dans laquelle nous voulons marcher. Il n’est pas question de mettre le scénario choisi en œuvre en quelques mois. Certains aspects pourront sans doute en être intégrés rapidement dans nos fonctionnements, d’autres nécessiteront plus de temps, en particulier ceux qui mettront en cause des postes de travail. Le but ultime n’est pas forcément, nous le verrons dans le plan triennal des
ressources et dans le temps des finances, de réduire le budget de notre Conférence, car certaines
missions mériteront peut-être d’être renforcées ou de monter en compétence, mais de choisir ce que
nous voulons pour les dix ou quinze ans qui viennent, à tout le moins, sachant que nous ne pouvons
plus trouver tant de prêtres et les religieuses ou les religieux et que nos ressources sont limitées. Les
scénarios englobent le fonctionnement de l’assemblée plénière, du Conseil Permanent, de la
présidence, des conseils et commissions et l’activité possible des provinces dans leur grande diversité
parce qu’est ressorti des ateliers que nous avons vécus en septembre et octobre 2021 la nécessité
d’articuler mieux tous ces différents niveaux. Nous voulons globalement une conférence des évêques
qui nous aide à mieux remplir notre mission pour nos Églises particulières, pour l’Église universelle
dont, comme évêques, nous sommes responsables aussi, pour la société française à laquelle nous
sommes envoyés en témoins de la seigneurie du Christ, en nous aidant, à son échelle, à grandir dans
la collégialité et dans la synodalité. Sur ce niveau-là de généralité, il me semble que nous pouvons nous
accorder. C’est déjà une orientation ;

-nous consacrerons encore deux séquences aux ministères laïcs. Nous voyons tous en quoi cette
thématique peut se rattacher à la transformation pastorale de nos diocèses mais aussi à l’évolution
rendue nécessaire par notre lucidité acquise sur les fragilités possibles de tout ministère ordonné. Cela
dit, l’existence même de ministères laïcs demande à être comprise théologiquement, ce qui n’est pas
si simple, entre le baptême et la confirmation qui confèrent la dignité des fils et des filles du Père et
l’ordination qui configure au Christ serviteur et pasteur. Elle demande aussi à être comprise
sociologiquement, pour évaluer les chances de tels ministères d’apporter dans notre pays et notre
Église ce que l’on voudrait en attendre : un renforcement ou un renouvellement de la capacité de nos
Églises particulières de mener à bien leur mission, dans l’envoi du Fils et de l’Esprit ;

-la matinée du lundi 7 sera consacrée à recevoir le pilote et un membre de chacun des groupes de
travail décidés lors de notre assemblée de l’an passé. Nous pourrons déjà les remercier du temps et
de l’énergie que la centaine de membres de ces groupes consacrent à nous aider. Après un temps
commun, nous irons, par groupes de 10 évêques, entendre l’état d’avancement de leurs réflexions et
nous pourrons y réagir.

A côté du souci du renouvellement pastoral, nous avons aussi à rester vigilants et actifs au service du
bien de notre société française face aux défis qui sont les siens.
Bientôt va s’ouvrir le débat national sur la fin de vie, préparant déjà une révision de la loi ClaeysLéonetti. Le Conseil Permanent a apporté sa contribution dès le mois de septembre sous la forme
d’une tribune publiée par le journal Le Monde. Mgr d’Ornellas et quelques autres ont fait entendre
aussi la réflexion de l’Église catholique. Tous l’ont fait en s’appuyant sur l’expérience et le témoignage
de nombreux soignants, notamment mais pas seulement dans les équipes de soins palliatifs. J’ai pu
m’exprimer aussi, à l’occasion de la Toussaint et de la journée de prière pour les défunts, dans Le
Parisien Aujourd’hui en France. Le Conseil Permanent vous proposera cependant deux actions
complémentaires :
-d’abord une lettre pastorale adressée aux fidèles catholiques sur le sens de la mort et la manière
chrétienne d’accompagner ceux et celles qui meurent ou de se préparer soi-même à mourir. Cette
lettre vous a été envoyée une première et une seconde fois, pour amendements et réactions. Elle
pourrait n’être qu’un message du Conseil Permanent ; elle aura plus de poids si vous acceptez tous de
la signer. Elle pourrait servir de support à des rencontres paroissiales ;
-ensuite une proposition analogue à celle qui avait été faite il y a deux ans : en janvier, trois soirées de
prière, de jeûne, de réflexion. Chaque paroisse, chaque mouvement, pourrait être invité à organiser
une soirée publique avec lecture de la lettre pastorale évoquée à l’instant, visionnage d’un film ou d’un
extrait de film permettant un débat ensuite, prière silencieuse, intercession. Il nous faut former les
consciences et les aider à s’interroger et à choisir en vérité devant Dieu. Les fidèles ont à incarner une
attention aux personnes proches de leur fin de vie qui soit une expression forte de la fraternité que le
Christ crée entre tous et qu’il promet à tous dans la vie éternelle.

Un dernier sujet nous occupera auquel j’ajoute un ultime.
Le dernier sujet est l’application du Motu Proprio Traditionis Custodes et, plus largement encore sa
compréhension. Dimanche matin, en plusieurs carrefours thématiques, nous entamerons la
discussion. Nous chercherons à voir si nous convergeons facilement ou non dans les conséquences à
tirer de cette décision du Saint-Père, l’évêque de Rome, et nous nous aiderons à entrer dans
l’intelligence de ce qu’il a voulu indiquer à l’Église. Ce sujet n’est pas mince. Il touche à la
compréhension de la Tradition vivante de l’Église, de la vérité de l’Eucharistie et des saintes Écritures
qui sont la Parole vivante de Dieu, à la nature et la mission de l’Église. Nous ne cessons de nous
interroger sur une partie de la jeunesse catholique qui cherche des sources vives dans la liturgie préconciliaire et qui ne perçoit pas l’enrichissement considérable apporté par le Concile, non pas une
adaptation mais un enrichissement. Cette jeunesse est diverse, elle mérite notre attention, notre
écoute, elle a besoin aussi que nous lui indiquions les sources les meilleures.

Enfin, chers frères, notre assemblée s’est beaucoup transformée depuis le mois de mars. Plusieurs sont
devenus émérites, quelques-uns ont eu la grâce d’avoir un successeur et l’un le privilège d’un
coadjuteur. Quelques-uns ont quitté leur diocèse initial pour recevoir la charge d’un autre. Nous
saluons les nouveaux évêques qui prennent place parmi nous. Nous sommes confus de les accueillir
dans ce moment difficile et de leur faire porter sans attendre le poids des insuffisances et des
manquements de ceux qui les ont précédés ; nous sommes heureux de bénéficier de leur jeunesse, de
leur engagement, de leur disponibilité à l’appel et à la grâce de Dieu.
Notre assemblée a l’honneur aussi, les restrictions sanitaires étant plus ou moins levées, d’accueillir à
nouveau des évêques d’Outre-Mer et des délégués d’autres conférences épiscopales. Nous sommes
désolés de les associer à notre humiliation, mais tel est le sort des frères : « porter le fardeau les uns
des autres. » Nous les remercions donc de leur fidélité et de leur fraternité. Certaines des Églises ici
représentées ont connu ou connaissent un drame similaire aux nôtres. Les chantiers qui sont les nôtres
rejoignent pour une bonne part les leurs. Le Conseil Permanent propose que la soirée de vendredi
permette de rencontrer plus spécialement nos hôtes étrangers et de les écouter sur nos sujets et sur
les sujets qui leur tiennent à cœur. Vous pourrez vous inscrire aux tables et aux carrefours organisés.
Pour ne pas rester enfermés dans nos sujets hexagonaux, nous vivons cette assemblée en profonde
communion avec le peuple ukrainien, le peuple arménien, le peuple libanais, le peuple syrien, le peuple
burkinabé, le peuple éthiopien et le peuple érythréen qui connaissent des moments douloureux et
décisifs de leur histoire. Les visites rendues en votre nom à Kiev et à Beyrouth a permis d’exprimer
notre profonde communion à ces deux pays où, pour de manières différentes mais convergentes,
s’expriment les fractures de notre monde.

Nous allons commencer sans attendre par un temps d’échange sur l’affaire Santier. Nous essaierons
de garder une demi-heure pour d’autres sujets d’actualité que tel ou tel parmi nous voudrait évoquer.
La deuxième partie de la matinée sera employée à un temps spirituel. Nous y serons conduits par Mgr
Vincent Jordy ; il nous aidera à repartir du Christ, notre Seigneur. C’est lui aussi que nous reconnaissons
dans tout enfant qui pleure. C’est lui qui nous a choisis, consacrés et envoyés. Qu’il ait pitié de nous.
Chers Frères, puisse cette assemblée être un chemin, comme l’ont été les éditions précédentes.
Puissions-nous sortir changés de ce temps de rencontres, de réflexions, d’échanges, de prières en
commun. Puissions-nous franchir quelques pas qui inspireront confiance aux fidèles. Puisse notre
fraternité être renouvelée et, en devenant plus grave, apporter à chacun des forces neuves pour
conduire l’Église particulière qui lui est confiée sur les chemins de la mission du Christ. Surtout, que le
drame de l’enfant qui pleure, caché en tant d’adultes blessés dans leur dignité de fils ou de filles du
Père, et que l’amour du Seigneur Jésus, qui ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, nous
habitent et nous servent de boussole. Je vous remercie.

Télécharger le discours 

Homélie de Mgr de Moulins-Beaufort - Dimanche 6 novembre

Homélie pour la messe du 32ème dimanche du Temps ordinaire, année C, le 6 novembre 2022, en la basilique du Rosaire, à Lourdes, messe télévisée du Jour du Seigneur, prononcée par Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, devant ses frères évêques rassemblés pour la 90ème Assemblée plénière des évêques de France.

Frères et sœurs, en présidant cette messe, je reçois pour vous les adresser les mots de l’apôtre aux Thessaloniciens : « Que notre Seigneur Jésus Christ lui-même, et Dieu notre Père qui nous a aimés et nous a pour toujours donné réconfort et bonne espérance par sa grâce, réconfortent vos cœurs et les affermissent en tout ce que vous pouvez faire et dire de bien. »

Entendons donc les paroles du Seigneur Jésus comme des paroles qui nous consolent et nous fortifient pour tout ce que nous avons à faire et à dire de bien. A faire d’abord et à dire ensuite.

Jésus n’est pas un habile rhéteur qui esquive les pièges qu’on lui tend. A la question posée par les Sadducéens, il répond avec ses « tripes », avec tout son être de Fils bien-aimé du Père entré dans la condition humaine et vivant, en toute son humanité, sa filiation unique avec le Père. Non, le Père n’est pas le Dieu des morts. Non, le Père ne joue pas avec la mort qui frappe les humains. Non, le Père ne ment pas, lui qui a créé les humains pour qu’ils vivent pour toujours. Et non, une femme n’a pas à passer de mari en mari, de frère en frère, jusqu’à ce qu’elle ait donné le descendant espéré.

Jésus sait combien une vie peut être marquée par la désillusion et tentée par le désespoir. Lui-même va être rejeté et devoir passer par la mort pour que le Père puisse exercer en lui sa puissance. Il se met tout entier dans la balance : « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui ».

*******

Alors, frères et sœurs, comprenons-le. Nous n’avons pas à vivre obnubilés par la mort mais tournés vers la vie plus vivante encore qui vient vers nous.

Puisque nous sommes appelés à vivre pour toujours, le mariage n’est pas seulement une manière de surmonter la mort et d’assurer la continuité des sociétés humaines ; la différence entre l’homme et la femme n’est pas seulement une affaire de domination sociale et de reproduction à maîtriser. Elle rend possible, cette différence, une relation d’émerveillement et de service, où chacun aide l’autre à porter du fruit pour toujours, en commençant par ici-bas.

Puisque nous sommes appelés à vivre pour toujours, la vieillesse n’est pas seulement ni d’abord une déchéance. Elle est une étape à vivre, dans le lent façonnement de nos existences. Une étape dont nous ne maîtrisons pas les conditions, une étape qui nous rend davantage dépendants des autres. Une étape qui peut être très douce pour certains et très douloureuse ou très humiliante pour d’autres, lorsqu’une personne ne peut plus reconnaître les siens ou ne peut plus être tout à fait reconnue des siens. Elle est un temps à vivre, pour que nous nous aidions mutuellement à devenir plus humains. Elle vient briser nos projets de réussite, de repos, parfois de manière dramatique. Mais nous pouvons nous entraider pour grandir dans la foi en la beauté de chaque personne humaine. Les soignants nous en donnent souvent l’exemple.

Puisque nous sommes appelés à vivre pour toujours, la mort qui tente nos sociétés comme une manière de mettre fin à des difficultés qu’elle ne peut porter, la mort prend une signification nouvelle. Elle n’est pas l’anéantissement de tout ni une rupture insurmontable. Mourir n’est jamais purement passif, mourir est un acte, un acte de passage et de remise de soi. Nous pouvons nous y préparer et aussi nous accompagner les uns les autres. Et la mort indique dramatiquement que nous, les humains, pouvons accéder à ce qui est plus grand que nous mais à quoi notre être tout entier aspire.

*******

En prêchant ce matin, j’aurais aimé pouvoir reprendre sans hésiter la suite des paroles de l’Apôtre : « Priez aussi pour nous, frères et sœurs, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course, et que, partout, on lui rende gloire comme chez vous. »

Il me faut, cependant, être conscient que, chez beaucoup d’entre vous, une certaine confiance est brisée. Les faits récemment révélés au grand public concernant tel évêque vous ont bouleversés et la manière dont ils ont été traités vous a déçus profondément. Vous avez pu avoir l’impression que les évêques camouflaient l’un des leurs et vous pourriez craindre qu’ils en camouflent d’autres. Je pense aux personnes victimes une fois de plus, ceux et celles qui ont été atteints dans leur chair et dans leur âme par la concupiscence de tel ou tel de nos frères et vous tous, frères et sœurs, qui êtes ébranlés dans votre foi dans l’Église et dans le Christ.

Nous aussi, évêques, nous sommes atteints par ces révélations, atteints dans la confiance que nous nous faisons les uns aux autres : nous ne nous choisissons pas mais nous sommes donnés les uns aux autres, pour appartenir au collège épiscopal et nous y soutenir fraternellement. Nous aussi nous sommes stupéfaits qu’un prêtre puisse abuser de la confiance de jeunes et abuser aussi de la sainteté des sacrements.  Nous aussi nous voulons que ceux qui doivent être remis à la justice de notre pays le soient, que ceux qui doivent être punis ou sanctionnés par la justice de l’Église le soit. Nous sommes bouleversés par les souffrances imposées aux personnes victimes dont nous nous demandons comment les aider mieux. Nous sommes meurtris par le mystère d’un homme, par le bien qu’il peut faire et le mal qu’il peut commettre. Nous nous interrogeons sur la voie juste entre le respect de la vérité due à beaucoup et le respect des personnes victimes mais aussi des coupables.

En tout cas, frères et sœurs, la parole du Seigneur nous éclaire encore : Dieu n’est pas le Dieu des morts mais celui des vivants. Il n’est pas un Dieu que l’on puisse tromper par des gestes religieux extérieurs, il n’est pas le Dieu des hommes de religion qui seraient protégés par un statut spécial. Il est le Dieu des âmes, le Dieu de toute personne qui entre pour de vrai dans le combat contre le mal et les forces de la mort, qui ne se satisfait pas de ses réussites extérieures, qui déteste toutes ses complicités fortes ou faibles avec ce qui abîme les autres et qui tremble toujours de manquer à la vérité de la charité, le Dieu de toute personne qui cherche, avec élan, à servir la fécondité de la vie que donne le Dieu vivant. « Que le Seigneur, dit l’Apôtre, conduise vos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ »,

Amen.

Conférence de presse dédiée à la lutte contre les abus dont l'affaire Michel Santier - 7 novembre

Discours de clôture de la 90ème Assemblée plénière des évêques de France, le 8 novembre 2022

Frères et sœurs, vous tous catholiques de France, laïcs, diacres, prêtres, personnes consacrées, et vous qui, pour une raison ou pour une autre, vous intéressez aux travaux de notre assemblée, chers Frères évêques,

« La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus » : cette phrase qui ouvre l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, « La joie de l’Évangile », du pape François, nous a habités, nous évêques, alors que nous nous réunissions. Nous avions, jeudi dernier, le cœur lourd, remplis de sentiments mêlés ; nous étions douloureux de vous savoir, frères et sœurs, meurtris, en colère, bouleversés, doutant de nous et de notre volonté réelle de sortir de la culture qui a permis les abus et les a couverts. Nous savions la déception des personnes victimes qui avaient décidé l’an passé de nous faire confiance. Or, la joie de l’Évangile, c’est elle que nous voulons servir, c’est elle que nous voulons partager à tous, c’est pour la rendre accessible à tous que nous avons engagé notre vie. Nous sommes humiliés de constater que des actes de certains de nos frères, prêtres et évêques, et la manière dont ces actes ont été traités entre notre structure ecclésiale en France et jusqu’au Saint-Siège provoquent de la tristesse, de l’incompréhension, du dégoût, et empêchent beaucoup de vous de goûter la joie pure et rajeunissante de l’Évangile du Christ. Nous sommes conscients que ces fautes personnelles de tel ou tel nous renvoient tous à nos insuffisances, à nos médiocrités, à nos manquements à la charité, à la justice, à la bonté, à la vérité, manquements qui entachent notre ministère et vous privent parfois, – et une fois, c’est trop-, de connaître le Christ Jésus d’un cœur sans partage. Nous voudrions tant que vous puissiez vivre paisiblement l’expérience des premiers disciples de Jésus, telle que nous la rapporte l’évangile selon saint Jean : « Venez et vous verrez ». « Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. » (Jn 1,39). Nous voudrions tant que beaucoup d’autres puissent la goûter.

Là est la source de la vie pour tous, dans la proximité du Seigneur Jésus, le Fils bien-aimé qui demeure dans le Père et nous ouvre accès à sa filiation. Ce jour-là, auprès du fleuve Jourdain, il n’y avait pas de palais ni de belle maison, tout juste une cabane en roseaux, et là demeurait Jésus et là il a accueilli ceux qui allaient devenir ses disciples et là était la pleine présence de Dieu, son hospitalité la plus forte. Nous avons pu, jeudi dernier le 3 novembre, après avoir passé un long moment à reprendre le déroulement des faits qui avaient conduit à la tourmente que nous vivons, prendre une heure, sous la conduite de Mgr Vincent Jordy, que je remercie au nom de tous, pour partir au bord du Jourdain, rencontrer Jésus comme pour la première fois, le suivre comme « l’Agneau de Dieu » et pour demeurer avec lui. De la même façon, au long de ces jours ici à Lourdes, auprès de la grotte de Massabielle, nous éprouvons l’intercession de Marie, la Mère de Dieu, et de sainte Bernadette, et la prière de toutes celles et tous ceux qui viennent ici prier ou qui confient leurs intentions. Permettez-moi de vous le dire : alors que nous nous étions retrouvés agités, inquiets, peut-être même méfiants les uns à l’égard des autres, nous avons vécu en ces cinq jours un processus d’apaisement, de resserrement de nos liens, de détermination renouvelée.

Nous sommes conscients cependant que la confiance native que le peuple de Dieu mettait dans les pasteurs qui lui sont donnés est ébranlée et qu’elle est, chez certains, chez beaucoup peut-être, brisée. Comment, après avoir découvert ce qu’avait pu faire Mgr Santier ; comment, après avoir entendu ce que le cardinal Ricard lui-même a avoué publiquement hier, pourriez-vous recevoir le cœur en paix la grâce du Christ des mains de quelque prêtre ou évêque que ce soit ? Une telle question secoue toute l’Église, car ce n’est pas le moindre aspect du mystère du Christ que le fait qu’il ne se soit pas contenté de réunir des disciples pour partager avec eux des heures de contemplation et d’échanges mais qu’il en ait mis à part quelques-uns pour aller vers tous en son nom. Le Père de Lubac, grand théologien du siècle dernier, a pu écrire en 1938, dans son premier grand ouvrage Catholicisme : « «Mystère de l’Église, plus profond encore s’il est possible, plus “difficile à croire” que le Mystère du Christ, comme celui-ci déjà était plus difficile à croire que le Mystère de Dieu »[1]. Plus difficile à croire, je le comprends ainsi, parce que le divin, la divine charité, est dans la réalité de l’Eglise, tellement enveloppé d’humain, et d’un humain qui n’est pas que la nature humaine mais ce que nous, les humains, l’avons fait devenir, avec ses abîmes parfois si vertigineux et inquiétants et ses nœuds parfois si meurtriers.

Nous ne nous sommes pas rassurés à bon compte, pendant ces quelques jours, avec des considérations théologiques. Nous avons travaillé, en nous entraidant, et cela sur plusieurs axes.

D’abord nous avons travaillé pour tirer au clair ce qui s’était passé. Le huis-clos, qui n’a pas été bien compris, nous a permis d’aller aussi loin que possible dans la vérité de nos échanges. J’ai exposé hier pendant la conférence de presse, que nous avons ajoutée pour faire connaître la déclaration de Mgr Ricard, l’essentiel de ce travail. Je voudrais uniquement et simplement dire ici à vous tous quatre choses :

  • Premièrement, que Mgr Blanchet, à peine nommé évêque de Créteil, ayant accepté dans la foi cette mission, a découvert alors et progressivement la situation exacte de son prédécesseur. Il s’est trouvé pris dans une situation créée par le silence maintenu des mois avant son arrivée et même sa nomination. Il a dû seul, avec force et délicatesse, trouver la manière de tenir Mgr Santier le plus à l’écart possible, sans pour autant paraître le rejeter ou le mépriser aux yeux d’un diocèse qui voulait le remercier encore, alors même qu’il ne pouvait expliquer à quiconque ce dont il retournait. De même, Mgr Le Boulc’h n’a pas su tout de suite dans quelles conditions Mgr Santier revenait à son diocèse d’origine, et lui aussi a dû, à mesure qu’il le découvrait, chercher les meilleures ou les moins mauvaises manières de l’accueillir, puisqu’aussi bien il fallait que Mgr Santier puisse vivre quelque part.
  • Deuxièmement, le travail fait avec un canoniste, un juriste et un official du Dicastère pour la doctrine de la foi venus nous rejoindre nous a permis de reconnaître qu’il y a eu des insuffisances, des erreurs et des dysfonctionnements dans la manière de réagir aux faits commis par Mgr Santier au fil des procédures. Je les ai énumérés hier. L’essentiel se résume en trois points : le traitement en circuit fermé, entre évêques ; une naïveté entretenue ; un manque de considération pour le peuple de Dieu. Nous avons donc élaboré progressivement pendant ces quelques jours des décisions à prendre. Nous avons abouti ce matin. Nous avons décidé de constituer un comité de suivi auquel tout archevêque ou évêque ayant à traiter du cas d’un autre évêque pour des abus ou agressions sexuelles se référera afin d’être accompagné dans toutes les étapes de la procédure. Nous allons agir aussi auprès des dicastères romains concernés pour préciser les procédures, établir des critères plus précis quant à la publication des faits et des sanctions, mieux définir ce qui est attendu de celui qui est chargé de l’enquête quant au « votum », c’est-à-dire aux recommandations, qu’il doit formuler. Le Saint-Siètge a besoin que chacun joue pleinement son rôle et sache lui faire valoir les données propres à une situaion ou à un pays. Nous voulons intégrer nous-mêmes davantage que la foi des fidèles est heurtée lorsqu’un prêtre ayant abusé sexuellement d’une personne continue de célébrer l’Eucharistie. Cela a des conséquences précises quant à la manière de nommer un prêtre ayant été condamné et qui a accompli sa peine. Ces décisions nouvelles enrichissent le dispositif mis en place depuis l’an dernier. Nous avons, aussi dans cette ligne-là, voté les statuts du Tribunal pénal interdiocésain qui devrait par conséquent, dès réception du visa du Tribunal de la Signature apostolique, être mis en place début décembre. Nous avons pu réfléchir à la mise en place concrète d’un celebret national, c’est-à-dire d’une carte remise à chaque prêtre permettant d’attester de sa qualité et de sa capacité à célébrer les sacrements. Nous nous sommes préparés aux visites que nous aurons à faire à Rome pour rencontrer le Dicastère pour la doctrine de la foi et la Commission de protection des mineurs.
  • Troisièmement, nous avons été bouleversés par la déclaration du cardinal Ricard. Il a été notre Président pendant deux mandats et une autorité dans notre Assemblée. Nous pensons à la personne qu’il a atteinte dans sa jeunesse, à celles et ceux qui furent ses paroissiens à Marseille, ses diocésains à Grenoble, à Montpellier, à Bordeaux ; nous pensons aux diocésains de Digne. Son aveu rendu public est un acte de grande importance. Par-delà le traitement que la justice, tant celle de l’État que celle de l’Église, peuvent donner à un tel comportement, Mgr Ricard se comporte comme un pécheur repentant qui assume ses actes, quelle que soit leur ancienneté, parce qu’il réalise au fil de son histoire, de mieux en mieux, que le mal fait du mal et qu’il faut rompre cet enchaînement. En parlant publiquement, il s’adresse à tout le peuple de Dieu, il se remet au jugement de chacun. Il inscrit sa déclaration dans le travail de vérité que l’Église a entrepris depuis quelques années et dans lequel l’Église en France tient sa part. Il compte sur nous, baptisés. Il n’en appelle pas à notre indulgence mais à notre fraternité. De plusieurs côtés, on en a appelé ces dernières semaines à la maturité du peuple de Dieu. Beaucoup ont fait valoir combien il était humiliant pour celui-ci d’entendre que les autorités ecclésiales lui avaient caché les fautes d’un pasteur pour le ménager. On fait valoir à raison que le peuple de Dieu est capable de supporter, si douloureux que ce soit, la découverte des fautes de ses pasteurs, et qu’il lui est beaucoup plus violent d’être maintenu un temps dans l’ignorance par un mensonge.
  • Quatrièmement : c’est pourquoi j’ai dit hier, lundi, le nombre des évêques ayant été mis en cause d’une manière ou d’une autre devant la justice de notre pays ou la justice canonique. Le nombre mentionné dans la presse recouvre des cas très différents et des faits qui ne sont pas du même ordre. Je pensais l’avoir indiqué suffisamment et je regrette de ne pas avoir été assez précis. Trois évêques, ces dernières années, ont été mis en cause pour non dénonciation d’un prêtre accusé. L’un de ces évêques est mort, un autre a été condamné et le troisième a été relaxé. Je les ai mentionnés pour que l’information soit complète, mais tout cela est connu de tous. Huit autres évêques ont été mis en cause pour des faits qu’ils auraient commis eux-mêmes. Parmi eux, cinq ont été mentionnés dans la presse et ont fait l’objet d’actions judiciaires, parfois arrêtées, parfois encore en cours. Pour l’un d’entre eux, je le signale, l’affaire a été conclue par un non-lieu. Enfin, trois autres sont en cours d’instruction. Ces huit évêques sont actuellement retirés de la responsabilité épiscopale et sont soumis à des restrictions de ministère de natures variées. Car la justice canonique juge de faits que la justice de notre pays ne connaît pas, et comme cette dernière, elle connaît la gradation des peines et la prescription, des éléments indispensables à un État de droit, même si la justice canonique pourrait progresser encore dans la prise en compte des personnes victimes et de leurs droits. La maturité du peuple de Dieu est soumise à rude épreuve, nous en sommes conscients. Il nous faut tous admettre que ni l’ordination ni les honneurs ne préservent de commettre ou d’avoir commis des fautes dont certaines peuvent être graves même aux yeux de la justice de l’État et que tout être humain peut être habité par des forces troubles qu’il ne parvient pas toujours à maîtriser. Nous, évêques, recevons ce nombre avec douleur. Ce que nous découvrons de quelques-uns de nos frères nous appelle à nous examiner, cela nous a été rappelé, sur notre rapport au pouvoir, aux biens, à notre ministère, à chacune des personnes avec qui nous agissons. Voilà qui nous conduit à une autre réflexion et un autre pan de notre travail.

Nous professons dans le « Je crois en Dieu » : « Je crois à l’Église une, sainte, catholique et apostolique ». Cette formule liturgique peut choquer aujourd’hui. Certains ont écrit ne plus pouvoir la prononcer. Nous les comprenons. Mais l’Église n’est pas sainte parce qu’elle serait faite de saints uniquement ; en tout cas pas parce qu’elle le serait en sa hiérarchie. Elle est sainte parce que, par elle, le Seigneur Jésus enfante à la sainteté les pécheurs que nous sommes. La sainteté n’est pas la perfection morale, nous l’oublions trop souvent. Elle n’est pas non plus un heureux équilibre des vertus naturelles et surnaturelles, traversé par un élan spirituel. Le saint est celui qui apprend à reconnaître ses abîmes intérieurs et qui choisit de s’en écarter par amour pour le Christ, le Fils bien-aimé venu jusqu’à nous. L’Église sainte n’est pas la réunion des « gens bien » ; elle est la communion que tâchent de vivre des pécheurs pardonnés, non pas amnistiés, non pas dispensés d’assumer leurs actes, mais pardonnés et rendus forts par le pardon. Elle est le lieu de cristallisation de notre élan spirituel, non pas d’abord une organisation religieuse qui nous permettrait de vivre à la surface de notre âme, plutôt la communauté qui nous contraint à aller puiser en nous ce que nous voulons vivre en vérité, faisant alors la douloureuse et salvifique expérience que nous n’y parvenons pas tout seuls, ni jamais adéquatement, que nous avons besoin d’être rachetés par le sang de l’Agneau sans tache, par le cri de son agonie et le silence du tombeau, avant que puisse éclore la joie discrète d’abord et pure toujours de la résurrection. La communion de l’Église ne résulte pas d’une harmonieuse organisation, elle résulte de l’engagement de chacun de ses membres, tous ayant reçu « l’onction du Saint », du Saint-Esprit, dans le combat spirituel, pour grandir dans la liberté avec les armes du Christ, et le repentir, la reconnaissance libre de ses fautes et la demande de pardon, l’assomption des conséquences des actes commis, est une de ces armes. La sainteté de l’Église n’est pas l’absence de péché de ses membres mais la capacité de tout le Corps d’accompagner chaque membre dans ce combat de lumière et de paix.

Dans cette lumière-là, sans doute, il nous faut comprendre la synodalité et son articulation à la collégialité. Dans le langage chrétien antique, le mot « hiérarchie » ne désigne pas d’abord le commandement, l’autorité qui ordonne et qui se fait obéir, mais la source, archè, où l’on peut puiser de quoi vivre et porter du fruit. Le ministère apostolique n’est pas d’abord une manière d’organiser un peuple qui serait confus, il a pour mission, ce ministère, de rapprocher de chacun la source pour qu’il puisse y trouver ce dont il a besoin. La source est la présence du Christ ressuscité, au cœur de la liberté de chacune et de chacun, dans la double Parole de l’Ancien et du Nouveau Testaments et dans les sacrements de Jésus. Le ministère est tout entier au service du peuple des baptisés et confirmés, des pécheurs pardonnés, rachetés, appelés à avancer vers la sainteté en devenant les uns pour les autres et pour tous les humains des porteurs de la bonté de Dieu. Le ministère apostolique s’exerce dans la collégialité, car aucun pasteur ne peut seul garantir qu’il relie en vérité à la source. Il ne le peut qu’en étant inséré dans le collège qui a le successeur de Pierre à sa tête. Quant à la synodalité, elle n’est pas d’abord un jeu de répartition des pouvoirs, même s’il faut organiser ceux-ci et veiller à en renouveler la distribution régulièrement. La synodalité est avant tout une recherche commune de la volonté de Dieu, une entraide fraternelle pour avancer sur les chemins de Dieu en s’aidant à sortir de l’esclavage du péché pour grandir dans la liberté des enfants de Dieu. Elle se nourrit donc de la maturité du peuple de Dieu que nous avons évoquée, et elle la fait grandir. C’est en nous portant les uns les autres, selon la différence des états de vie et des dons, dans le chemin de la sainteté, c’est-à-dire de la liberté à l’égard du péché, que nous servons la vie de l’Église que nous formons et dans laquelle nous avons la grâce d’être. Ces quelques jours étaient trop peu nombreux pour que nous puissions lire et analyser le document qui vient d’être publié pour préparer la phase continentale du processus synodal de l’Église. Chacun fera ce qu’il peut dans son diocèse. Mais nous constatons que, de par le monde, dans l’Église entière, les mêmes attentes, les mêmes aspirations, les mêmes douleurs s’expriment, mais aussi la même espérance de vivre la pleine vérité du mystère de l’Église où le Seigneur partage sa sainteté aux pécheurs qu’il appelle à lui.

Nous avons goûté cela, frères et sœurs, vous toutes et tous qui m’écoutez ce matin, nous l’avons goûté, nous évêques, lors du temps passé, hier lundi 7 novembre 2022, avec les pilotes et un membre des neuf groupes de travail dont nous avions décidé la création en novembre 2021. Ils nous ont fait travailler par groupes de dix évêques sur le thème qui leur a été confié. Les voies qu’ils nous ont ouvertes, les transformations de fonctionnement ou de gouvernance, qu’ils dessinent nous seront proposées en mars prochain et nous aurons à exercer notre discernement dans la lumière de l’Esprit-Saint. L’enjeu, pour nous, n’est pas seulement de trouver des procédures plus sûres (on parle souvent de « process ») mais de rendre nos organisations ecclésiales, nos manières de réagir et d’agir face à des cas douloureux, nos modes de vie et de soutien mutuel, plus riches de la vérité de la synodalité et de la collégialité, vécues dans la sainteté de l’Église. Je crois pouvoir dire que nous avons admiré la maturité chrétienne de celles et de ceux qui sont venus à nous, comme des frères et des sœurs qui ne cherchaient ni à nous faire la leçon, ni à grapiller une part de notre autorité mais à nous aider à mieux exercer le ministère apostolique qui nous a été confié par le Seigneur ressuscité. De tout cœur, je remercie au nom de tous les évêques les membres de ces groupes de travail, une bonne centaine de personnes : leur engagement, leur générosité en temps et en réflexion, nous remplissent d’action de grâce.

Nous avons goûté aussi ce mystère lorsque nous avons travaillé à la transformation de notre Conférence. Deux groupes de travail spécifiques avaient élaboré quatre scénarios, chacun caractérisé par une perspective différente : la communion des provinces, la flexibilité maximale, le service minimum, l’hôpital de campagne. Le but poursuivi est moins la recherche d’une diminution des effectifs qu’une meilleure définition du rôle des instances (Assemblée plénière, Conseil permanent, Présidence, conseils et commission) et une meilleure articulation entre elles pour que notre système central soit plus souple, un peu moins coûteux, mieux adapté aux besoins de l’évangélisation aujourd’hui. Les échanges que nous avons pu avoir autour de ces scénarios nous relancent dans la conscience de notre collégialité et de notre responsabilité à chacun de la rendre vivante, la vie de chacun de nos diocèses fortifiant celle de tous les autres. Je salue ici de la part des évêques l’équipe de Nexus qui nous accompagne dans ce labeur avec délicatesse, fermeté et persévérance, cette dernière étant bien utile car les transformations concrètes suscitent toujours des résistances, raisonnables ou non. Il en va de même chez les évêques.

Je voudrais ici remercier au nom des évêques de France, toutes celles et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, travaillent dans la Maison de l’avenue de Breteuil. Ils représentés ici à Lourdes par les directeurs nationaux qui sont associés à notre travail sur l’avenir de notre Conférence comme d’ailleurs, à celui mené à la suite de novembre dernier, et ils sont représentés encore par toute l’équipe qui soutient le Secrétariat général et l’équipe communication. Les réflexions que les évêques mènent sur la transformation de la Conférence des évêques peuvent inquiéter toutes ces personnes.

Tout en portant cette inquiétude, nos collaboratrices et collaborateurs apprennent avec nous de tristes nouvelles. Il en va ainsi tous les ans depuis au moins 2016. Je voudrais redire ce que je leur ai dit plus fois : votre fidélité nous impressionne, elle nous oblige. Que, au milieu de mille inquiétudes, en subissant avec nous les flux de révélation des abus commis par quelques-uns, vous consentiez à venir et revenir travailler avec nous, nous encourage vivement. Nous savons ce qui s’y joue dans tout cela de votre foi dans le Christ et de votre engagement spirituel à chacun.

Les séquences de notre Assemblée consacrées au plan triennal ressources et aux finances nous ont à la fois fait sentir la pression de la réalité : il nous faut anticiper raisonnablement une baisse de nos ressources et tenir compte de l’augmentation actuelle des charges du fait, notamment, de l’inflation, et simultanément ces séquences nous ont fait réaliser que la générosité des fidèles nous permettait d’avancer sur le chemin de transformation sans angoisse, avec une grave sérénité.

Une séquence de ces quelques jours a été consacrée à la transformation pastorale de nos diocèses et une autre à la mise en application du Motu Proprio Traditionis Custodes. Les deux sujets sont différents, bien sûr, mais ils convergent cependant. Il s’agit toujours de notre responsabilité de rapprocher de chacun et de chacune la source qu’est le Christ Jésus. Nous devons trouver les moyens de le faire avec moins de prêtres, des communautés moins nombreuses et surtout insérées dans un tissu social sécularisé et déchristianisé, souvent marqué par l’indifférence religieuse, parfois par la forte présence d’autres religions, notamment l’islam. En parcourant nos diocèses, nous avons souvent l’occasion d’admirer la foi et la persévérance de nombreux fidèles. Nous sentons leur souffrance devant l’évolution de leurs enfants ou petits-enfants et l’inquiétude des jeunes parents devant l’avenir de leurs enfants. Nous éprouvons douloureusement combien les fidélités les mieux ancrées peuvent être ébranlées. Le témoignage de notre Eglise dans notre pays ne peut plus être celui d’une Église co-extensive à la société, organisant celle-ci, en déterminant sa culture profonde. Le témoignage est désormais celui d’une communion de pécheurs pardonnés, émerveillés de pouvoir être en chemin vers la sainteté, où chacune et chacun est accueilli et accompagné par tous, où les vérités de la foi ne sont pas une idéologie sociale et politique mais nous tournent vers le Dieu vivant, le Dieu de nos âmes, le Dieu brûlant qui nous appelle à une conversion constante, qui nous arrache à toute autosatisfaction pharisaïque et nous ouvre le chemin des fils prodigues, qui attend que les frères s’accueillent mutuellement et apprennent toujours davantage à s’aimer. Les immenses trésors de la Tradition ne sont pas des pièces de musée ; la Tradition dont nous sommes les gardiens est celle où le Seigneur Jésus, le Messie d’Israël, se donne et est reçu, si bien reçu qu’il peut être partagé.

Alors que notre pays s’apprête à un nouveau grand débat sur la fin de vie, il nous a paru nécessaire de puiser dans notre tradition et dans la réflexion théologique de quoi vous aider, frères et sœurs, chères auditrices et chers auditeurs, à regarder la mort avec des yeux de chrétiens. Nous avons écrit une lettre pastorale dont nous espérons qu’elle sera, peu à peu, lue et travaillée par beaucoup. Car nous avons tous à mourir et nous vivons dans un monde qui vit la mort comme un échec et qui s’effraie de ses approches, les remettant entre les mains des soignants. Il appartient à notre grandeur d’hommes et de femmes, créés à l’image de Dieu, a fortiori de baptisés morts au péché dans le Christ et ressuscités pour vivre en lui, de nous préparer sérieusement au jour de notre mort. Nous le disons à chaque fois que nous prions le « Je vous salue Marie ». A notre société nous voulons dire qu’il est possible de nous entraider, non pas à mourir mais à vivre jusqu’au bout. Nous vous appelons à prier avec instance aussi pour que notre pays continue à indiquer aux sociétés occidentales qu’il y a d’autres voies que la prétendue « douce mort » et le suicide assisté. Dans une société qui vieillit, il faut consacrer des moyens aux soins palliatifs et à l’accompagnement à domicile, il faut que des hommes et des femmes s’y engagent, il convient que chacun de nous se prépare aussi à accompagner tel ou tel de ses proches jusqu’au bout. Sans juger personne, sans mépriser ni condamner, nous avons, nous catholiques, avec nos frères et sœurs chrétiens mais aussi avec beaucoup d’autres, à éclairer nos concitoyens sur les choix qui se dessinent et à orienter nos vies, parfois à contre-courant, pour témoigner d’autres chemins de vie, plus dignes de l’être humain, plus humbles et plus forts, des chemins que nous aurons peut-être, à Dieu ne plaise, à porter ou à parcourir un peu seuls.

Les sanctuaires de Lourdes nous réservent toujours le meilleur accueil. Je remercie ici Mgr Jean-Marc Micas, le recteur, le P. Michel Daubanes à qui nous souhaitons une belle mission dans ce  sanctuaire national, les chapelains, les cérémoniaires, les sacristains, celles et ceux qui veillent sur nous à l’accueil Notre-Dame, les hommes et les femmes qui ont veillé à notre sécurité et à notre tranquillité, toutes celles et tous ceux qui contribuent à rendre ces Assemblées paisibles et efficaces. Nous éprouvons toujours ici, auprès de la grotte de Massabielle, combien le Seigneur nous accueille en lui et nous donne de venir et de voir. Nous étions heureux, dimanche soir, de nous joindre à la procession eucharistique. Auprès de Jésus et auprès de Marie, nous avons retrouvé « l’enfant qui pleure ». Nous ouvrons toujours mieux les yeux sur le fait que l’Église, qui devrait être purement et simplement un lieu de paix et de joie, c’est-à-dire de dilatation intérieure et d’espérance en la beauté de l’humanité que Dieu attire à lui, peut être aussi un lieu de douleurs, un lieu d’empêchement, un lieu de tristesse, d’humiliation et d’atteinte à la dignité de l’humanité. Notre génération a reçu la croix de vivre ce temps. A nous, évêques, avec les prêtres et les diacres, de vous aider, frères et sœurs à traverser ces temps en accédant à la joie du Seigneur. A nous tous d’agir, synodalement et collégialement, chacune et chacun pour sa part, pour servir l’œuvre du Christ qui veut se présenter son Église, « sainte, sans tache, sans aucune faute ». Nous espérons tous, frères et sœurs, vous avec nous, nous avec vous, qu’un jour, « l’enfant qui pleure », caché dans une église ou au fond du cœur de trop de personnes, pourra goûter la consolation du Seigneur. Nous voulons agir pour qu’il puisse entendre la parole qui lui est adressée : « Venez et vous verrez ». Des moments de joie intense nous sont donnés, dans nos rassemblements diocésains, dans la messe dominicale, dans tel service vécu dans la lumière du Seigneur.  Sans doute découvrons-nous mieux que l’Église doit être aussi pénitente, mais nous savons que la vraie pénitence conduit à la joie la plus intense.

Notre monde s’inquiète pour son avenir. La COP 27 qui est réunie en Égypte le fait entendre avec force. Les co-présidents du Conseil des Églises chrétiennes de France ont adressé, au début de ce mois, une lettre au Président de la République remise aussi à la Première Ministre. Cette lettre invite à agir avec énergie au cours de la COP, elle salue l’ambition écologique annoncée par le gouvernement, elle constate aussi que le compte n’y est pas, que les décisions envisagées ne suffiront pas pour éviter les drames qui s’annoncent, notamment pour les pays les plus pauvres. La sobriété ne doit pas être une attitude conjoncturelle liée à la guerre en Ukraine et à ses conséquences pour l’approvisionnement en énergie. Elle est une attitude à acquérir et à enraciner spirituellement. Notre humanité se transforme, elle se comprend autrement au sein de l’univers, elle met en cause les repères anthropologiques les plus ancrés. Des jeunes, on dit souvent que nombreux sont parmi eux ceux qui ne savent comment s’orienter, qui hésitent à entrer de plain-pied dans le monde tel qu’il est. Nous les assurons de notre prière. Nous leur adressons un vibrant appel à se rendre à Lisbonne pour les JMJ. Leur rassemblement contribuera à la sanctification de l’Église, leur réponse joyeuse à l’appel du Seigneur, leur communion autour du successeur de Pierre, seront des dons de Dieu pour l’Église et aussi pour toute leur génération. Nous constatons souvent la beauté de la jeunesse catholique.

En concluant cette Assemblée plénière, nous tournons notre attention vers nos concitoyens dont le retour de l’inflation affaiblit gravement les ressources et qui s’inquiètent. Les mois à venir risquent d’être rudes pour beaucoup. Nous implorons Dieu pour l’Ukraine et aussi pour le peuple russe. Nous prions pour les familles endeuillées, pour les morts, les blessés, les familles séparées, pour les vies empêchées par cette guerre. Nous en appelons à la paix dans la vérité et la justice. Nous pensons aussi à l’Arménie, qui vit un drame comparable ; au Liban, à la Syrie, au Burkina-Faso, au Nigéria, au Mali et aux pays d’Afrique menacés par des mouvements islamistes et par l’insuffisance des récoltes. Nous avons une pensée fraternelle pour le peuple iranien et pour le peuple afghan. Pendant que nous étions ici à Lourdes, le pape François effectuait au Bahreïn un voyage sans doute historique. Nous demandons à Dieu que ce voyage puisse porter des fruits nombreux.

Nous osons le dire, nous osons le demander : que la joie de l’Évangile rejoigne chacune et chacun de vous, qu’elle emplisse votre cœur et votre vie à chacun, que tous nous puissions vivre des moments de grâce en demeurant près de Jésus, l’Agneau de Dieu, le Fils bien-aimé du Père. Nous, évêques, avons travaillé et travaillons pour que cela soit possible. Nous vous remercions pour votre prière et vos encouragements, pour votre exigence aussi.

Frères et sœurs, vous tous qui m’écoutez et vous intéressez pour une raison ou pour une autre à la vie de l’Église en France, les évêques tous rassemblés ont voulu vous adresser une lettre, « bouleversés et résolus ». Acceptez de la lire et d’y entendre parler notre cœur et notre responsabilité. Nous nous doutons que le chemin pour guérir les bouleversements, les colères, les inquiétudes sera long. Nous osons croire qu’il vaut la peine et nous vous assurons que nous y sommes engagés.

Merci de votre attention.

[1] Catholicisme. Les aspects sociaux du dogme dans l’édition des OEuvres complètes du cardinal Henri de Lubac, t. VII (désormais OC VII), éd. par Michel Sales avec la coll. de M.-B. Mesnet, 2003 (la citation se trouve pp. 48-49) ; cette édition reproduit la 7e éd. (1983).

« Bouleversés et résolus », message des évêques de France du 8 novembre 2022

Chers frères et sœurs,

Réunis en Assemblée plénière à Lourdes, nous avons entendu la stupéfaction, la colère, la tristesse, le découragement suscités par ce que nous apprenons au sujet de Mgr Michel Santier, ancien évêque de Luçon puis de Créteil, et maintenant au sujet de Mgr Jean-Pierre Ricard, ancien archevêque de Montpellier puis de Bordeaux.

Nous sommes conscients que ces révélations affectent douloureusement les personnes victimes, en particulier celles qui avaient choisi de nous faire confiance. Nous constatons l’ébranlement de nombreux fidèles, de prêtres, de diacres, de personnes consacrées. Ces sentiments sont également les nôtres. Membres d’un même corps ecclésial, nous sommes nous aussi blessés, atteints en profondeur.

Dans le cas de Michel Santier, nous avons vivement conscience des responsabilités qui nous reviennent et nous avons travaillé pendant notre Assemblée à identifier les dysfonctionnements et les erreurs qui ont mené à une situation choquante pour tous.

Certains ont pu se demander si le droit de l’Eglise n’organisait pas une forme d’impunité ou de traitement particulier des évêques. Ils pensent, à juste titre, que la responsabilité épiscopale renforce chez ceux qui l’exercent le devoir de droiture et la légitime exigence des fidèles comme de l’institution ecclésiale. Nous le redisons avec force : il n’y a pas, et il ne peut pas y avoir, d’impunité des évêques.

En raison même de la nature de leur charge apostolique, les évêques dépendent directement du Saint-Siège. Les procédures qui les concernent sont plus complexes et prennent davantage de temps. Nous nous engageons à travailler avec le Saint-Siège aux clarifications et aux simplifications qui s’imposent. Nous avons décidé de mettre en place un Conseil de suivi qui nous permettra de ne pas affronter seuls et entre nous ces situations.

Certains s’interrogent : dans les circonstances présentes, quel crédit donner aux engagements pris il y a un an pour tirer les conséquences du rapport de la CIASE ? Nous pouvons en donner l’assurance : une transformation des pratiques est bel et bien en cours, avec l’aide de nombreux fidèles laïcs particulièrement qualifiés, dont des personnes victimes. Des décisions sont déjà prises et mises en œuvre. Diocèses et mouvements d’Eglise s’impliquent de manière plus construite dans la protection des mineurs. Les groupes de travail décidés il y a un an rendront leurs conclusions en mars 2023. Nous venons de faire un point d’étape avec eux au cours de cette Assemblée. Ce travail de fond commence à porter du fruit. Nous continuerons sur cette lancée.

Une autre question habitait nos cœurs au début de l’Assemblée plénière : y a-t-il, y aura-t-il d’autres affaires de ce genre ? La condition humaine étant ce qu’elle est, nul n’est à l’abri de fautes graves et dramatiques. Mais nous pouvons et nous voulons renforcer dans l’Eglise les processus qui les limitent au maximum et les traitent adéquatement quand elles surviennent.

Dans ce contexte, le communiqué du Cardinal  Jean-Pierre Ricard nous a tous bouleversés. Son initiative de révéler lui-même un fait grave de son passé est importante. Nous avons mentionné l’ensemble des situations que nous connaissons. Elles concernent des évêques qui ne sont plus en fonction. Elles ont toutes fait l’objet d’un traitement judiciaire.

Frères et sœurs, humblement mais de tout cœur, nous continuons le travail entrepris pour que l’Eglise soit une maison plus sûre. Les personnes victimes demeurent plus que jamais au cœur de notre attention. Vos attentes et vos exigences sont légitimes et vraiment entendues. Nous les accueillons comme venant du Seigneur lui-même. C’est tous ensemble, nous en avons conscience, que nous pouvons contribuer à une fidélité renouvelée à l’Evangile. Telle est notre détermination résolue. Telle est notre humble prière.

A Lourdes, le 8 novembre 2022

Communiqué de presse : Résolutions votées par les évêques de France les 7 et 8 novembre 2022.

Assemblée plénière des évêques de France
Résolutions votées par les évêques de France les 7 et 8 novembre 2022

 

VOTES ET RESOLUTIONS CONCERNANT LA LUTTE CONTRE LES ABUS

Tribunal pénal canonique national

❖ Les évêques approuvent la norme complémentaire établie dans le cadre du can.1421 du code
de droit canonique de 1983, permettant à des personnes laïques d’être juges au sein de ce
tribunal.

❖ Les évêques approuvent les statuts révisés du tribunal pénal canonique interdiocésain de la
Conférence des évêques de France approuvés selon la lettre du tribunal de la Signature
Apostolique en date du 29 septembre 2022.

❖ Les évêques réunis en assemblée plénière approuvent le projet de décret général d’érection
du tribunal pénal canonique interdiocésain de la Conférence des évêques de France, approuvé
par le tribunal de la Signature apostolique le 29 septembre 2022, rédigé comme suit.
Création d’un Conseil de suivi « Vos Estis Lux Mundi »
En complément du Motu Proprio du pape François Vos Estis Lux Mundi du 7 mai 2019, l’Assemblée
plénière des évêques de France décide la constitution d’un Conseil de suivi à la disposition des évêques
concernés par une procédure relative à un autre évêque relevant du Motu Proprio. Il sera présidé par
une personnalité qualifiée et reconnue et composé de personnes aux compétences diverses nommées
par le Conseil permanent.

❖ L’Assemblée plénière demande aux archevêques métropolitains de consulter ce Conseil dès
qu’ils sont saisis d’une plainte concernant un évêque. Ce Conseil les accompagnera dans le
suivi de l’affaire, les conseillant sur la manière de comprendre les faits, de les faire connaître
aux autorités judiciaires et au Saint-Siège, et sur les mesures conservatoires éventuellement
nécessaires.

❖ L’archevêque ou la personne chargée de l’enquête par le Saint-Siège se référera à ce Conseil
de suivi sur la manière de mener l’enquête, sur la publicité à donner ou non aux faits dénoncés.
Ce Conseil sera aussi consulté pour la rédaction des conclusions et du votum fait au Dicastère
romain, quant à la qualification des faits, quant aux peines envisageables et la publicité à
donner ou non aux sanctions. Ce Conseil accompagnera la personne chargée de l’enquête dans
l’information à donner au Dicastère tous les trente jours.

❖ Ce Conseil aidera ensuite l’archevêque ou l’Ordinaire du lieu où réside l’évêque dans
l’application des peines et leur communication partielle ou totale.

Délégation d’évêques à Rome

Une délégation, constituée de la présidence de la Conférence des évêques et d’autres membres
qualifiés, se rendra à Rome pour rencontrer les préfets des dicastères de la Doctrine de la Foi et des
Evêques afin d’améliorer le suivi dans les diocèses français des procédures relatives aux évêques ou
archevêques ayant fait l’objet d’un signalement. Cette délégation pourra s’appuyer sur le travail de
relecture que l’Assemblée plénière a pu faire du cas de Mgr Michel Santier.

Renforcement des pratiques
L’Assemblée plénière décide de travailler à ce que soit mieux comprise et appliquée la distinction entre
les trois temps d’une enquête canonique : la recherche de la vraisemblance, « l’enquête préalable » et
l’instruction.

L’Assemblée plénière s’engage à ce que les décisions définitives soient toujours communiquées aux
personnes plaignantes.

Concernant l’exercice du ministère à la fin de la procédure, l’Assemblée plénière rappelle aux évêques
qu’il convient de consulter dans chaque cas la Commission nationale d’expertise, dite « Christnacht »
mise en place depuis 2016.

L’Assemblée plénière reconnaît et comprend que le fait qu’un ministre ordonné condamné pour des
faits d’agression sexuelle continue de célébrer les sacrements soit un motif légitime
d’incompréhension et de scandale, heurtant la foi des fidèles. Elle demande que soit rigoureusement
vérifiée la possibilité pour le ministre ordonné concerné d’exercer à nouveau un ministère et de
célébrer les sacrements, et qu’il soit accepté par la communauté qui l’accueillera.

Formation des évêques
Les évêques décident que la session doctrinale 2023 sera revue comme une formation juridique,
canonique et pastorale concernant les bonnes pratiques à acquérir en cas de situation préoccupante
ou de soupçons d’infraction (formation de base au droit pénal national ou canonique, au suivi des
dossiers, à la communication, aux processus à mettre en place, recours aux aides extérieures).

Message des évêques « Bouleversés et résolus »
Les évêques de France adressent à tous le message « Bouleversés et résolus ».

AUTRES VOTES ET RESOLUTIONS

Mission de France
L’Assemblée plénière donne un avis favorable pour que le prélat de la Mission de France sollicite
auprès du Dicastère pour les évêques la constitution de la Mission de France en une prélature
personnelle, sur la base du projet de la nouvelle Constitution apostolique.

Erection en basilique mineure du sanctuaire ND de Folgoet
L’Assemblée plénière est d’accord pour que l’évêque de Quimper et Léon engage les démarches auprès
de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements en vue de conférer le titre de
basilique mineure au sanctuaire Notre-Dame du Folgoët (nord Finistère).

Cause de béatification de Marie-Eustelle Harpain
L’Assemblée plénière est avorable à l’ouverture de la cause en vue d’une éventuelle béatification de
Marie-Eustelle Harpain.

Télécharger le communiqué de presse 

Discours de clôture de l'assemblée plénière des Evêques de France

L’Assemblée plénière : vidéos 

Prière à l’Esprit-Saint

Esprit Saint,
Tu convoques les évêques de l’Eglise de France à Lourdes,
Eclaire leur démarche.
Donne-leur à chacun et ensemble la capacité de t’écouter ensemble en Église,
De partager leurs réflexions, leurs joies, leurs souffrances, leurs espoirs,
De discerner la volonté de Dieu pour aujourd’hui,
De te rencontrer dans leurs frères,
De se laisser conduire par toi,
De mettre en œuvre leurs décisions.
Nous « Peuple de Dieu », nous comptons sur toi.
Amen.