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L’eau au service de la vie, un don à partager

A l’occasion d’une rencontre avec les musulmans « ensemble avec Marie » sur le thème de l’eau, le service écologie intégrale est intervenu à la suite de l’évêque et de l’imman de la mosquée de Créteil le 18 mai 2023. Vous trouverez ci-dessous le texte de l’intervention.

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L’eau était la première cause de rassemblement d’un peuple en une communauté. Les hommes l’ont très vite célébrée et vénérée. Elle a toujours eu un lien étroit avec les croyances des hommes et leurs rites et on comprend la place qu’occupent les fontaines dans nos villages.

Dans la religion juive, l’eau représente essentiellement la pureté. Chaque rabbin et chaque fidèle doivent toujours se laver les mains pour bien distinguer les activités religieuses des activités profanes.

Les fées mystiques du bouddhisme habitent les grands lacs tibétains. Des cérémonies s’organisent pour attirer leur attention. Pêcher dans ces eaux est interdit.

Le Gange fait aussi partie des fleuves sacrés pour les Hindous. Il aurait des vertus soignantes pour tout malade se baignant dans ses eaux. Il apporterait la fécondité à qui veut un enfant.

La religion afro-cubaine puise sa croyance dans des divinités. L’eau est symbolisée par deux déesses : Ochun, la déesse des eaux douces, de la féminité et de la richesse et Yemaya déesse de l’eau salée, de la maternité et de la vie.

La symbolique de l’eau est donc bien présente dans toutes les cultures, religieuses ou non.

Je vous propose un rapide tour du monde :

  • Allons d’abord dans le département français de Mayotte, dans l’océan Indien, entre l’Afrique et Madagascar : il y a 2 semaines, on a pu voir un beau documentaire télévisé sur l’île, sa barrière de corail, la couleur bleue/verte de l’océan, ses tortues marines, ses dauphins : des images de rêve illustrant bien que l’eau, c’est la vie. Mais le revers de la médaille, c’est que 30% de la population n’a pas d’accès à l’eau potable (ceux qui habitent dans les bidonvilles et les pauvres qui ne peuvent payer les frais de raccordement). Alors,
    • Ces gens doivent aller au robinet central du village pour obtenir une eau sur-chlorée devant servir à tous les besoins (boisson, cuisine, lavage, linge etc.)
    • La pénurie crée le marché noir : les moins pauvres vont payer de l’eau à ceux qui ont un raccordement (50c à 1€ les 20l, soit de 7 à 15 fois le prix en Ile de France)
    • Les pauvres payent donc l’eau plus cher que les riches !
  • A Bombay ou Kuala Lumpur ou même dans le bas de Manhattan à New York, pour faire face à l’accroissement permanent de la population, les pompages des nappes phréatiques s’effectuent de plus en plus profondément (jusqu’à 1000m). Les villes s’enfoncent alors et dans le même temps, le réchauffement climatique fait monter les océans. La pente pour l’évacuation des eaux usées n’est progressivement plus suffisante. A New York, on construit des digues parce qu’on en a les moyens et que les taxes perçues sur l’eau payent les travaux pour en sécuriser l’accès, mais dans les pays pauvres, on n’a pas les moyens de faire plus que les subventions à la population pour les aider à avoir de l’eau. Il y a donc des menaces d’inondation par les eaux usées, avant les mers ou océans, dans le bas de ces grandes villes, où l’on sait bien que n’habitent pas les plus riches…
  • A Berlin, la consommation d’eau est de 90 litres/habitant/jour. A Paris, elle est de 120 litres/habitant/jour et à Rome, de 180 litres/habitant/jour. Pourquoi ? Berlin a été détruite à la fin de la seconde guerre mondiale et son réseau de distribution et d’évacuation d’eau a été complètement refait dans les années 1950 – 1960. A Paris, il date dans certains cas des travaux du baron Haussmann ou même plus tôt, soit autour de 1850. Le réseau de distribution d’eau parisien fuit. A Rome, c’est pire. On n’ose pas réparer parce que dès qu’on creuse, on tombe sur des vestiges de la Rome antique très protégés… On estime que la moitié de la consommation d’eau y est perdue dans les fuites de canalisations !
  • Il y a environ 600 grandes nappes souterraines frontalières dans le monde : aucune règle de partage ne s’applique et les pays y puisent sans aucun problème et sans s’occuper des besoins du pays voisin !
  • Les choses sont plus faciles lorsque l’eau est bien visible :
    • Le Danube traverse 19 pays qui sont convenus des meilleures façons d’utiliser son eau, sans problème majeur ;
    • Le fleuve Colorado traverse 4 états des Etats-Unis plus une partie Nord du Mexique et là aussi, l’utilisation croisée se fait sans problème ;
  • C’est une nouvelle discipline : l’hydro-diplomatie. Elle gère l’eau en tant que bien commun au travers de réunions multi-états regroupant l’ensemble des acteurs, industriels, consommateurs, gouvernement, agriculteurs… et est souvent efficace. Ainsi, à l’ONU, le droit à l’eau et le droit à l’assainissement sont reconnus par beaucoup de pays, sauf encore quelques-uns situés géographiquement à la source des grands fleuves, car ils veulent bien sûr conserver leur capacité de prélèvement…
  • Enfin, le département du Val de Marne est le 1er producteur d’eau de rivières par habitant en France. Le pompage des nappes souterraines est extrêmement fort. C’est parce qu’il a la grande responsabilité de fournir l’eau à 120 communes de la région parisienne à partir de ses usines de Choisy Le Roi et de Neuilly sur Marne, et aussi Paris par les usines de Joinville le Pont et Orly. De ce fait, les schémas de crise concernant la sécheresse ou les crues sont rôdés. Le département dispose aussi de bassins de rétention pour retarder une nouvelle crue de Paris de quelques jours pour prendre les dispositions nécessaires. Les contrôles de la qualité de l’eau sont de ce fait très fréquents et bien supérieurs en nombre aux contrôles dans les autres départements.

Alors comment améliorer l’avenir ?

  • D’abord, la ressource en eau de la planète est suffisante pour l’avenir et sans doute pas encore totalement connue.
  • Le problème aujourd’hui est à quelle vitesse on pourra s’adapter. La règle encore actuellement pour l’eau comme pour d’autres sujets est : « Pas de changement sans nécessité, pas de nécessité sans situation de crise ». L’exception d’aujourd’hui deviendra la règle demain. Le système du chacun pour soi est terminé.
  • On peut toujours se dire que l’Europe n’est pas la zone la plus touchée. Elle est composée de pays riches où le coût des accidents climatiques est supérieur à celui des pays pauvres, mais qui ont les moyens de réparer les conséquences des crues ou épisodes de sècheresse avant le suivant, ce qui n’est pas le cas dans les pays pauvres.
  • L’assainissement reste un problème dont on ne s’occupe pas assez : 85% des eaux usées dans le monde sont rejetées sans traitement dans la nature…

Je voudrais terminer cette partie sur l’eau par une phrase du pape François dans Fratelli Tutti : « Si quelqu’un a de l’eau en quantité surabondante et malgré cela la préserve en pensant à l’humanité, c’est qu’il a atteint un haut niveau moral qui lui permet de se transcender lui-même ainsi que son groupe d’appartenance. Cela est merveilleusement humain. » (FT117)